jeudi 6 décembre 2018

Jusqu'à ce que la mort... Opus 2

Suite de cette série de monotypes.

C'est en compilant de vieilles photographies que m'est venue cette réflexion sur le décalage entre l'histoire personnelle et l'histoire collective. Ces photographies capturent pour la plupart des instants personnels, liés à une famille, un groupe, une célébration. Cliché de mariage, photo de classe, réunion de famille, corps d'armée ou professionnel...


Ces photographies ont été prises par des professionnels, pour figer dans le temps le souvenir d'un moment précis. Aujourd'hui toutes les personnes photographiées ont disparu. Il ne reste rien des individus qu'ils ont été, avec leur personnalité et leur histoire propre. Ils ne sont plus que les représentations d'une époque, d'une classe sociale ou d'un groupe, identifiables par leurs vêtements, leur pose. Ils ont quitté l'histoire personnelle pour rejoindre l'histoire collective, témoins d'une époque figée sur la ligne de l'histoire.


C'est la raison pour laquelle j'ai effacé leur visage. Ils n'existent plus. Seule demeure une image qui représente non pas des individus mais des clichés étiquetés dans des tiroirs, rangés par époque, par catégorie.
L'effacement de leur visage produit un effet angoissant qui met en évidence leur disparition. Et pourtant nous identifions sans peine l'origine de ces photographies, elles relèvent d'un corpus commun.


Le monotype utilise la technique de l'estampe, mais sans gravure. Il est comme une métaphore de la fugacité de ces existences.
Je peins sur une plaque de plexiglass, avec une encre de gravure, au pinceau, avec mes doigts ou des cotons-tiges. L'encre sèche, il faut être rapide. Je mouille le papier comme pour une impression en taille douce, que je positionne sur la plaque et que je passe sous la presse. Je n'ai qu'une chance de réussite. Le papier boit l'encre, et la plaque ressort presque vierge.


Il y a dans ce procédé quelque chose qui s'apparente à la photographie dans la notion d'empreinte, d'instantanéité. Lorsque je soulève le papier pour contempler le résultat, je me souviens de cet instant de suspense au labo photo du collège, lorsque l'image apparaissait lentement dans le bac du révélateur. Apparition d'un fantôme, qui pouvait disparaître si l'on ne saisissait pas le juste instant...



Monotypes
20 x 30 cm

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